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Cette chronologie a été établie par Elisabeth Chikha à partir du dossier de presse réuni au center de documentation d’H. & M. Pour plus de precisions on pourra également se reporter au “Dossier de presse sur l’affaire du foulard islamique” publié par l’ADRI (4 chaiers: 250F-42, rue Cambronne-75740 Paris Cedex 15).
Hommes & Migrations

N 1129-1130- février-mars 1990

18 septembre. –

Au collège Gabriel-Havez de Creil, dans l’Oise, qui compte huit cents élèves de vingt-cinq nationalités différentes, trois jeunes Maghrébines portant un foulard islamique sont exclues provisoirement des cours par le proviseur qui estime que le port du foulard représente “une atteinte à la laicïté et à la neutralité de l’école publique”. Ces élèves avaient refusé d’ôter leur foulard depuis la rentrée malgré l’opposition des enseignants. (Pour connaître l’origine du contentieux, se reporter à l’article de Luis Cardoso, instituteur dans ce collège, pp. 7 à 12).

3 octobre. –

Le Courrier Picard publie un article – qui va déclencher toute “l’affaire” – sur la situation au collège de Creil.

5 octobre. –

En couverture du Nouvel Observateur : « Fanatisme. La menace religieuse. » Sur fond de jeune rille en tchador.

8 octobre.-

Déclaration du ministre de l’Education nationale : « Il s’agit de respecter la laïcité de l’école en n’affichant pas de fatçon ostentatoire les signes de son appartenance religieuse ». Mais il ajoute :

« L ‘école est faite pour accueillir les enfants et non pour les exclure ».

9 octobre. –

Les trois jeunes filles de Creil reprennent les cours a leur collège. Un compromis a été obtenu après une intervention de l’inspecteur d’académie, des rencontres avec les parents et la médiation des associations locales, particulièrement I’ Association culturelle des Tunisiens. Les jeunes filles garderont leur foulard dans l’enceinte de l’école mais l’enlèveront pendant les cours. Autre question toujours en suspens dans ce collège: une vingtaine de collégiens de confession israélite refusent de venir en classe le samedi, jour du sabbat.

A Marseille, au lycée d’enseignement professionnel Marie-Laurencin, une élève d’origine tunisienne se voit interdire le port du foulard en classe. Depuis, elle n’est pas revenue au lycée. Le proviseur a essayé de convaincre la famille mais celle-ci a porté l’affaire devant le MRAP. Le secrétaire départemental de celui-ci a révélé que la jeune fille avait déjà tenté de s’inscrire dans deux autres établissements. Le MRAP a dénoncé “l’atteinte à la liberté individuelle”.

15 octobre. –

France-Plus et SOS-Racisme prennent le même jour deux positions contradictoires. Alors que la première association demande à M. Jospin « d’imposer d’urgence le respect de la laïcité face aux foulards, aux kippas ou à tout autre signe religieux, qui risquent de menacer la paix de l’école », Harlem Désir déclare: « La vraie question n ‘est pas d’être pour ou contre le foulard à l’école publique, mais de savoir à quelle école iront ces enfants et comment réussir leur intégration ».

En Afrique du Sud, libération après vingt-cinq ans passées en prison, de huit dirigeants nationalistes, dont Walter Sisulu, compagnon de Nelson Mandela.

16 octobre.-

A Avignon, au LEP Philippe-de-Girard, exclusion d’une élève de seconde pour port de foulard. Celle-ci l’a porté sans problèmes pendant deux ans au collège et deux mois au LEP .

Les ministres de l’Education nationale et de l’Intérieur demandent au Garde des Sceaux d’ouvrir une procédure judiciaire contre le maire de Montfermeil (DVD). Cet élu refuse depuis cinq ans d’inscrire des enfants d’immigrés dans les écoles de sa commune. Son motif : il faut rééquilibrer la population de ces établissements, constituée à 95 % d’immigrés. Mais le préfet de la SeineSaint-Denis avait usé de son pouvoir de substitution et permis aux directrices de deux écoles matemelles d’accueillir les enfants. Le 4 octobre, le maire avait menacé de couper les crédits municipaux aux deux matemelles qui n’avaient pas respecté sa consigne.

18 octobre. –

RDA. A Leipzig, 300.000 manifestants réclament des élections libres et “la démocratie maintenant”.

A Avignon, huit élèves, six Maghrébines et deux Espagnoles, se présentent au LEP Philippe-deGirard coiffées d’un foulard, en signe de solidarité avec leur camarade exclue I’avant-veille par le proviseur.

19 octobre. –

Les trois collégiennes de Creil, réintégrées après de longues négociations, rompent I’accord en remettant leur foulard pendant les cours. Elles sont alors conduites en bibliothèque. Ce revirement ferait suite aux contacts qu’aurait eus, avec les pères des trois jeunes filles, un des représentants de la Fédération nationale des musulmans de France, en opposition avec la grande Mosquée de Paris. M. Daniel Youssef Leclerc, l’un des responsables de cette fédération déclare: « Il ne peut y avoir de compromis avec la religion (…) Dans le pays des droits de l’homme, nous nous interrogeons sur ce qui peut pousser à porter atteinte à une jeune fille…

C’est une affaire de pudeur (…) Si on leur interdit de suivre les cours, nous le ferons constater par huissier de justice et nous engagerons une procédure pénale contre le principal ».

Nouvelle réunion associant, pendant cinq heures, I’inspection académique, les enseignants, les parents, les représentants des associations culturelles. Le principal du collège propose, en cas de refus des élèves de revenir à I’accord rompu, ou de changer d’établissement ou de suivre un enseignement à domicile sous contrôle de l’Education nationale.

Le cardinal Lustiger, dans un entretien à l’Agence France Presse, déclare: « Le port du voile n’a peut-être qu’une signification oppositionnelle, un peu comme la coiffure rasta… Ne faisons pas la guerre aux adolescentes beurs. Halte au feu. Ne confondons pas le problème de l’islam et celui de l’adolescence. Arrêtons cette discussion tant que les autorités musulmanes ne nous auront pas expliqué de façon précise la signification du voile… de façon a ce qu’on comprenne si oui ou non cela contredit ce qui est la définition française de la laïcité.» Le cardinal a rencontré le recteur de la grande Mosquée de Paris.

20 octobre.-

Mme Danielle Mitterrand déclare: « Si aujourd’hui deux cents ans après la Révolution, la laïcité ne pouvait accueillir toutes les religions, toutes les expressions en France, c’est qu’il y aurait un recul. Si le voile est l’expression d’une religion, nous devons accepter les traditions quelles qu’elles soient ».La FEN et SOS-Racisme publient un communiqué commun mettant en garde contre le risque de mise à I’écart « des filles du droit à l’accès aux connaissances, à l’esprit critique, à la responsabilité, à l’émancipation pour tous et toutes (…) L ‘école de la République a le devoir d’accueillir à égalité tous les jeunes sans discrimination». Le communiqué ajoute que « ces principes s’imposent aussi aux familles et aux jeunes eux-mêmes ». Autre syndicat d’enseignants à prendre position: le SGEN-CFDT dont le secrétaire à I’immigration, M. Boullier, a insisté sur les risques de montée des intégrismes : « Fanatismes religieux, condamnations à mort d’écrivains, incendies de cinémas. La montée des intégrismes touche aujourd’hui l’école en utilisant les enfants. Bas les foulards, il faut limiter au maximum les signes ostentatoires qui peuvent déclencher des mini-guerres».

L ‘ambassadeur de la Ligue arabe à Paris, M. Hamadi Essid, déclare: « Le dogme, c’est important mais l’homme est doté de raison et doit surtout ne pas gêner les autres… L ‘islam est une religion contre l’idolâtrie et les symboles… L ‘islam insiste plus sur la nécessité d’aller a l’école que de porter un voile ».

21 octobre. –

A Creil, un comité de soutien des trois jeunes filles a été constitué. Une plainte devrait-être déposée pour “discrimination raciale”. Me Vergès a accepté de se saisir du dossier.

22 octobre.-

Environ six cents musulmans intégristes manifestent à Paris à I’appel de deux organisations musulmanes peu représentatives: La Voix de I’islam et l’ Association islamique en France. Cette manifestation a été désavouée par la Mosque de Paris et par la Fédération nationale des musulmans de France.

23 octobre. –

En Hongrie, la IVème République est proclameée dans la liesse. Elle remplace la République populaire instaurée en 1949 par les communistes.

La polémique prend une tournure politique. De nombreux responsables politiques prennent position sur le port du foulard. Le président du groupe UDF, Charles Millon, réclame « un debat a l’Assemblée nationale sur l’immigration ».

Le Grand Orient de France aussi s’est engagé dans le débat, le plaçant sur le terrain des droits de la femme.

Les personnels enseignants et administratifs du collège Gabriel-Havez de Creil ont écrit au ministre de l’Education nationale pour « qu’il se prononce clairement sur une question devenue nationale, afin de ramener la sérénité dans l’établissement ».

Bruno Etienne déclare: « Aujourd’hui l’islam est la seconde religion de France. Il faut se hâter de gérer cet état de fait. (…) Chaque fois qu’un mouvement de pensée nouveau se fait jour, il met des siècles à être officialisé! Cela a été vrai pour les protestants après bien des carnages, ensuite pour les juifs. Si nous voulons soustraire les musulmans français à la pression de l’étranger, il faut que l’Etat prenne ses responsabilités et intègre la donnée islamique ».

Michel Hannoun (RPR), auteur d’on rapport sur l’immigration, déclare: « Je comprends que cela puisse être vécu par d’autres comme un signe de provocation, mais plus on parlera avec passion, plus cela prendra des allures d’affrontement ».

“L’Appel de Toulouse” est lancé par des intellectuels réunis à l’initiative de la revue Horizons maghrébins. Ils demandent qu’une « négociation s’engage avec les musulmans résidant en Europe », et font un certain nombre de propositions.

24 octobre. –

Le recteur de la Mosquée de Paris, cheikh Haddam, lance, dans on entretien au Monde, un appel pour “dédramatiser l’affaire” et régler les conflits à l’amiable, au cas par cas. « La communauté musulmane est bien sûr indignée par les mesures discriminatoires qui la visent, mais de là à tomber dans le panneau tendu par certains esprits retardataires qui voudraient la transformer en une affaire d’Etat, pour ma part, je m’y refuse. Plutôt que de colporter, par ignorance, toutes sortes de clichés sur l’islam, il faut poser froidement quelques questions: les directeurs des écoles qui ont pris les décisions que l’on sait en ont-ils bien mesuré les consequences ? L ‘école a-t-elle joué son rôle d’accueil et d’éducation ? La France est-elle, oui ou non, un pays de liberté, à la pointe du combat pour la tolérance et la démocratie ?.. »

La Fédération protestante de France déclare: « Les protestants pensent qu’il n’y a aucune raison d’interdire le port du voile à l’école pour peu qu’il ne serve pas à un quelconque prosélytisme, mais le respect de la laïcité doit être absolu ».

Le grand rabbin de Paris, A. Goldmann déclare: « Ceux qui refusent aux enfants musulmans le droit de porter le tchador et aux enfants juifs la kippa à l’école, sont intolérants. Aujourd’hui ce ne sont plus les religieux qui font preuve d’intolérance mais les laïcs».

La Fédération des Conseils de Parents d’Elèves sort de son silence : « Que prôner ?

Certainement pas l’exclusion qui rejette les intéressées dans une attitude plus tranchée, certainement pas une règIe de conduite stricte nationale ». II faut prendre « la voie étroite entre le rejet, solution de facilité, et l’abdication, solution pernicieuse ».

26 octobre.-

Dans un entretien au Nouvel Observateur, comme devant l’Assemblée nationale la veille, Lionel Jospin déclare que les chefs d’établissements doivent « établir un dialogue avec les parents et les enfants concernés pour les convaincre de renoncer à ces manifestations ». II ajoute que si ces discussions échouaient, « l’enfant -dont la scolarité est prioritaire – doit être accueilli dans l’établissement public ».

Dans Le Monde, Michel Morineau, secrétaire national de la Ligue de l’enseignement, plaide pour une laïcité ouverte : « Est-ce que ces jeunes filles ont manifesté vraiment le désir d’influencer leurs condisciples ? Ont-elles fait ostensiblement leurs prières en classe, exprimé leur hostilité à l’égard des catholiques, des protestants, israélites ou incroyants ? Ont-elles refusé de participer à certains cours ? Si non, qu’elles gardent leur foulard ».

La couverture de l’Express titre: « L ‘école laïque en danger. La stratégie des intégristes ». Sur fond rouge, une écolière en foulard tourne le dos à la couverture.

27 octobre. –

La Fédération de l’Education nationale déclare: « Nous attendons avec impatience que le ministre de l’Education nationale rappelle dons un texte réglementaire les obligations des élèves et des fonctionnaires ». La FEN, jugeant la circulaire de 1937 qui interdit tout prosélytisme dans l’école publique insuffisante, demande la présentation d’urgence d’un nouveau texte devant le Conseil supérieur de l’Education nationale. La fédération demande aussi on débat parlementaire sur le thème de la laïcité.

Le proviseur du collège de Creil estime que la décision de Lionel Jospin va à I’encontre de la laïcité. En couverture du Nouvel Observateur : « Profs, ne capitulons pas ! », sur fond de jeune musuImane en foulard. Cinq intellectuels -Elisabeth Badinter, Régis Debray, Alain Finkielkraut, Elisabeth de Fontenay et Catherine Kintzler – lancent un appel à Lionel Jospin, contre le foulard islamique. « L’année du Bicentenaire aura-t-elle vu le Munich de l’Ecole républicaine ? Négocier comme vous le faites en annonçant qu’on va céder, cela porte un nom : capituler ».

27 et 28 octobre. –

Enquête BVA commandée par TF1 et le Figaro magazine. 37 % des Français approuvent M. Jospin alors que 53 % le désapprouvent.

29 octobre. –

M. Raymond Barre réclame une “commission des sages” pour réfléchir à la laïcité dans une société multiconfessionnelle.

30 octobre. –

Publication de deux sondages. Le premier réalisé par IPSOS pour Le Joumal du dimanche. Il en ressort qu’une majorité des douze/dix-sept ans estime qu’it ne faut pas interdire le port du foulard dans les établissements  scolaires. Une proportion plus importante encore (72 % contre 24 %) des adolescents interrogés ne trouve pas choquante l’affirmation de son appartenance religieuse par des signes extérieurs comme le foulard, la croix ou la kippa. Selon le second sondage IPSOS-Le Point, 50% des Français ont peur de l’islam.Pour 60 %, l’affaire des foulards résulte « d’une manipulation des extrémistes islamistes » tandis que 23 % estiment qu’elle traduit « l’expression d’un réel malaise et de la difficulté pour les deux communautés de cohabiter ».

En couverture du Point: « Intégristes, les limites de la tolérance », avec une jeune fille en tchador levant le point.

31 octobre.-

Le Syndicat national des instituteurs et professeurs de collèges (SNI-PEGC) adresse une lettre ouverte au ministre de l’Education nationale pour lui reprocher son attitude à l’égard du port du foulard islamique à l’école. On y lit: « L ‘école publique n’a pas pour fonction de promouvoir les identités de groupe. Elle doit être préservée de la libanisation qui menace ».

Manifestation organisée à Paris par l’EMAF (Expression maghrébine au féminin), « contre tous les extrémismes, contre les exclusions. Nous réaffirmons notre attachement aux valeurs de laïcité et au respect des libertés individuelles. Nous, femmes issues de l’immigration maghrébine, appelons à un rassemblement pour dire haut et fort que si nous sommes les enfants d’lbn Khaldoun, nous sommes aussi les enfants de Voltaire ». Cette manifestation est interdite par la préfecture mais finalement maintenue par les organisatrices.

1er novembre.-

Gisèle Halimi annonce sa démission de SOS-Racisme en raison de son désaccord avec l’association concernant l’affaire du foulard.

2 novembre.-

M. Jean Poperen, ministre des Relations avec le Parlement, s’élève contre les positions de son collègue Lionel Jospin. Il trouve “convaincante” la lettre des cinq intellectuels accusant le ministre de l’Education d’avoir capitulé. Une demi-douzaine de députés socialistes soutiennent cet appel.

3 et 4 novembre. –

Sondage BVA réalisé pour le parti socialiste. L’opinion évolue sur l’affaire des foulards et M. Jospin remonte le courant: 44 % des Français approuvent sa position contre 47 % qui la désapprouvent. Autre enseignement des sondages : cette affaire passionne moins I’ opinion que les médias puisque 53 % des Français se disent peu ou pas du tout concernés par elle.

4 novembre. –

M. Lionel Jospin publie un communiqué dans lequel it demande l’avis du Conseil d’Etat en ce qui conceme « la situation au regard du service public d’enseignement, des jeunes qui porteraient des signes religieux à l’école ».Débats à I’ Assemblée nationale à I’occasion de la discussion sur le budget de l’Education nationale. Un certain nombre de députés ont interpellé MM Rocard, Jospin et Evin sur l’affaire du voile, de la culture islamique, de I’émancipation de la femme et de I’intégration.

4 et 5 novembre.-

Deux manifestations du Front national à Nice et Antibes, rassemblent respectivement 1.500 et moins de 200 manifestants pour protester contre “l’islamisation de la France”.

5 novembre.-

Europe I, au “Club de la Presse”. M. Evin se prononce sur la question du foulard islamique et de la politique d’immigration. L’association La Voix de l’islam appelait de nouveau à manifester ce dimanche à Paris pour protester contre “la montée de l’intolérance”. Le préfet de police de Paris a interdit la manifestation pour “risque de trouble de l’ordre public”.

6 novembre.-

Le maire de Montfermeil sursoit à sa décision de mise hors service public des deux écoles maternelles et laisse deux mois de délai au gouvemement.

A Poissy, soixante-cinq enseignants du collège des Grands-Champs décident de refuser de prendre leurs élèves en cours tant que “la” jeune fille n’ôtera pas son foulard.

6 au 13 novembre.-

Sondage IFOP réalisé pour Le Monde, La Vie et RTL (publié dans Le Monde du 30 novembre). L’institut a interrogé parallèlement un échantillon représentatif de la population française (qui compte environ 2,5 % de musulmans) et un échantillon appelé schématiquement ” musulman” (et qui compte 26 % de personnes de nationalité française). Ce sondage montre que les deux groupes perçoivent l’islam de manière diamétralement opposée. L ‘islam est synonyme de paix pour 84 % des musulmans, mais pas un Français sur cinq ne pense ainsi. Les Français associent l’islam au “fanatisme”, à la “soumission de la femme”, au “retour en arrière”. Cette image négative est accentuée dans la population d’âge mûr, dans les classes populaires et moyennes, chez les sympathisants de l’extrême droite comme ceux du parti communiste.

7 novembre. –

Aux Etats-Unis, élection pour la première fois d’un maire noir à New-York, M. David Dinkins, tandis qu’en Virginie, M. Douglas Wilder devient le premier Noir élu gouverneur.

A Poissy, l’adolescente qui refusait d’ôter son foulard, accepte de le retirer avant d’entrer en salle de classe. Le secrétaire général de la FEN, Yannick Simbron, se rend au collège de Creil. Il déclare: « Nous sommes venus apporter notre soutien à nos collègues et rappeler notre exigence d’un texte réglementaire rappelant précisément les obligations des élèves et des maîtres ». Il a ajouté qu’il n’attendait rien du Conseil d’Etat mais plutôt une décision du ministre et du gouvemement.

Pour la première fois de puis les législatives de 1986, l’opposition a refait son union sur une proposition concrète. Lors de la réunion de l’intergroupe parlementaire RPR-UDF-UDC, les députés de l’opposition sont tombés d’accord pour préparer une proposition de loi sur l’immigration, la réforme du code de la nationalité et l’intégration des étrangers.7 au 10 novembre. –

Sondage SOFRES publié par le Nouvel Observateur. Sur 1.000 personnes interrogées, 51 % contre 42 % pensent que la plupart des immigrés vivant en France ne pourront pas être intégrés en raison de leurs différences. 83 % des personnes interrogées se déclarent opposées au port du foulard en classe et 66 % désapprouvent la position prise par Lionel Jospin.

8 novembre.-

Le bureau exécutif du parti socialiste décide, à l’unanimité, de mettre en place une commission sur le problème de l’intégration des immigrés. Cette initiative est prise en vue de la préparation d’un “grand projet de loi d’intégration”.

9 novembre. –

Débats à I’ Assemblée nationale portant, entre autres, sur “l’affaire” du moment…

Michele Andre, secrétaire d’Etat chargée des Droits des Femmes, déclare: « le suis solidaire des femmes, le foulard est le symbole de la soumission de la femme à l’homme. Je ne peux donc cautionner une telle pratique », puis « La liberté de chacun et chacune ne peut exister que dans la tolérance réciproque qui passe en premier par le respect des règles et traditions, bref de la culture du pays d’accueil… »

En RDA, les autorités annoncent I’ouverture de la frontière interallemande et du mur qui sépare Berlin depuis 1961. Trois millions d’Allemands de l’Est “font une visite” à l’Ouest.

Cinq intellectuels, soutenant M. Jospin, lancent un appel dans la revue Politis pour une laïcité ouverte. Joëlle Kauffmann, Harlem Desir, René Dumont, Gilles Perrault et Alain Touraine répliquent à l’appel du Nouvel Observateur. « L ‘universalisme laïque servira-t-il de prétexte à l’exclusion ? …Ceux qui évoquent le Munich de l’école républicaine devraient se garder de susciter un Vichy de l’intégration des immigrés. » Plaidant pour « une laïcité conquérante qui offrirait à chacun les conditions objectives d’un choix individuel à son rythme », ils concluent que « si l’exclusion fait le lit de l’intégrisme, elle fait aussi celui du Front national ».

9 au 15 novembre.-

Dans L’Evénement du Jeudi, Bernard-Henri Lévy, l’un des “parrains” de SOS-Racisme, dit son désaccord avec les cinq intellectuels qui crient au “Munich de l’école républicaine”.

10 novembre.-

Harlem Désir, dans un article du Monde, réclame une loi-cadre pour l’intégration et un ministre de l’Intégration pour avancer sur Cinq dossiers-clés : la ville, l’école, la police, les naturalisations, le travail clandestin.

11 novembre.-

A Avignon, le Front national rassemble six mille manifestants protestant contre “l’invasion étrangère”.

16 novembre. –

A Aix-les-Bains, M. Jean Murguet, conseiller général (DVD), dénonce dans une lettre à la presse « la communauté juive qui se distingue par les signes extérieurs de sa religion, son mode de vie particulier et par son désir profond de ne pas s’intégrer à la population locale avec ses habitats groupés et ses commerces spécialisés ». La communauté juive aixoise possède la plus ancienne école talmudique de France. Cette communauté possède des écoles maternelles et primaires ainsi qu’un collège dont les bâtiments doivent être reconstruits sur un terrain loué à la ville.

Dans le Val-d’Oise, à Montmagny, les enseignants du groupe scolaire des Frères-Lumière avaient décidé de faire grève un quart d’heure tous les jours à partir du 16 novembre si l’une de leurs collègues, une rééducatrice, française de souche, mariée à un Algérien et convertie à l’islam, refusait d’enlever son foulard islamique à l’intérieur de l’établissement. Elle ne l’a jamais porté en classe. Pour le premier jour du mouvement, la jeune femme s’est présentée à l’école sans foulard.

20 novembre. –

L’ONU, lors de son assemblée générale, adopte à l’unanimité une convention internationale sur les droits de l’enfant.

Une marche pacifique rassemblant quelque 6.000 personnes a eu lieu à Constantine (Algérie) pour protester « contre la position du gouvemement français sur l’affaire du voile islamique et l’interdiction faite aux élèves voilées de poursuivre leurs études ». Un mémorandum a été remis au consulat de France.

21 novembre.-

La Fédération nationale des musulmans de France adresse au Conseil d’Etat un courrier argurnenté sur la question du port du foulard islamique à l’école. La FNMF dénonce l’attitude du proviseur de Creil qui « constitue un abus de pouvoir allant à l’encontre de plusieurs principes constitutionnels ». Les auteurs de la lettre s’en prennent à « une tradition de combat de la part des extrémistes de la laïcité, contre tout ce qui est religieux ». Le port du foulard a pour but « de préserver la pudeur avant d’être prosélyte ».

22 novembre. –

Au Liban, assassinat de René Moawad, dix-sept jours après son élection à la présidence de la république libanaise.

A Noyon, dans l’Oise, une trentaine d’éleèves essentiellement d’origine marocaine, refusent de participer à certains cours -comme l’éducation physique, le dessin ou les sciences naturelles – qu’ils considèrent incompatibles avec la pratique de l’islam. Les enseignants ont décidé que « tous les élèves qui refuseront de participer à un cours feront l’objet d’une procédure administrative pour non-fréquentation scolaire ».

23 novembre. –

Le président François Mitterrand exprime pour la première fois son avis dans une interview à Paris-Match. 11 apporte un soutien clair à Lionel Jospin dont il juge « la position équilibrée ». «

Ne confondons pas vigilance et intolérance. Notre société de droit est le plus solide rempart contre la violence qu’on tente de nous imposer. Quand on accueille des immigrés et quand on bénéficie de leur travail, on a le devoir de reconnaître leurs droits, comme on le fait à l’égard des travailleurs français, et de mener une politique d’intégration active. » Il ajoute : « L ‘intégrisme est dangereux… Bien des pays musulmans s’en gardent. Ne soyons pas moins vigilants. Nous en avons le moyen ».

En couverture du Nouvel Observateur : « Immigrés, l’enquête qui dérange ».

24 novembre.-

En Tchécoslovaquie, après la démission en bloc du bureau politique du parti communiste, les manifestations de masse et la grève générale, les députés votent à l’unanimité l’abolition du rôle dirigeant du parti.

25 novembre. –

A la faculté de droit de Pau, exclusion de l’amphithéâtre d’une étudiante marocaine voilée, à la suite d’un vote des étudiants. Ce vote, organisé par un enseignant -notaire -, a montré que 35 des 62 étudiants interrogés étaient opposés au port du voile pendant les cours. Le vice-doyen de la faculté de droit a immédiatement ordonné la réintégration de la jeune fiIle qui assistait au cours en auditrice libre depuis la mi-novembre. Le doyen de la faculté et le président de l’université ont vivement condamné l’exclusion de la jeune fille, et rappelé que l’enseignement supérieur conceme des adultes et doit laisser place à la liberté d’opinion.

26 novembre. –

Succès du Front national au premier tour des législatives partielles à Dreux et Marseille.

27 novembre.-

Le Conseil d’Etat rend son avis. Réaffirmant les principes de l’école républicaine, il estime que « le port d’insignes religieux par les élèves n ‘est pas incompatible avec la laïcité », à condition que ces signes ne revêtent pas « un caractère ostentatoire ou revendicatif ». Il laisse aux autorités éducatives le soin d’apprécier, au cas par cas et sous le controle des juges, les limites de cette tolérance (voir extraits p.109).

28 novembre. –

Le principal du collège de CreiI, considérant que « la réflexion du Conseil d’Etat n’a nullement démenti le principe de laïcité », reste sur ses positions, avec le soutien de ses enseignants. Les trois jeunes filles sont donc maintenues dans la bibliotheque.

A Paris, à la Mutualité, un millier de personnes se sont rassemblées pour défendre « la laïcité et la dignité de la femme », à l’appel du mouvement féministe “Choisir” (avec Gisèle Halimi), de “France-Plus” et du “Club des Egaux” ( avec Patrick Kessel). Les signataires de “I’ Appel du Nouvel Observateur” se sont associés cette initiative.

29 novembre. –

Le conseil d’administration de l’hôpital de Dijon refuse d’accepter une jeune femme médecin originaire d’ Afrique du Nord, parce qu’elle voudrait porter un foulard dans les services hospitaliers où elle souhaite suivre un enseignement spécialisé. La direction avait proposé à la jeune femme de porter à la place, soit une coiffe d’infirmière, soit un bonnet de chirurgien !… Elle a refusé, on la refuse…

30 novembre. –

Réunion d’un comité interministériel sur l’intégration. Quatorze ministres autour de M. Rocard pour affirmer la volonté du gouvernement de prendre à bras le corps ce dossier. Prochaine étape : nomination d’un secrétaire général permanent à l’intégration.

Gilles Kepel, dans un entretien au Monde, estime que l’intégration des musuImans ne peut être qu’individuelle et n’est pas compatible avec une logique communautaire.

ler décembre. –

Dans le Monde, Maxime Rodinson publie un article: « De la peste communautaire ». « Il ne faut pas brimer les porteurs de divers vetements. Mais il faut être très vigilants envers le communautarisme. Ce sont les nationalismes de base qui portent la peste surtout…»

2 décembre. –

Sommet Bush-Gorbatchev à Malte.

Les deux sreurs Leila et Fatima se présentent au lycée de Creil non voilées sans donner d’explications et sans avoir prévenu le proviseur de ce revirement. Leur père dit avoir été convoqué la veille avec ses filles au consulat du Maroc à Paris. L ‘intervention du roi du Maroc Hassann auprès de la famiIle marocaine pour que Leila et Fatima renoncent à porter le foulard sera confirmée. La troisième jeune fille, Samira, d’origine tunisienne, refuse toujours d’abandonner son foulard et demeure dans la bibliothèque du collège.

3 décembre. –

Deuxième tour des élections législatives partielles àDreux et Marseille. Succès à Dreux du Front national qui remporte 61,3 % des voix.

4 décembre.-

Tchécoslovaquie : à Prague, 250.000 personnes manifestent contre le nouveau gouvernement.

Le Point titre en couverture : « Immigration, la ruée des clandestins ». Il sous-titre : « Avignon, peur sur la ville », « Criminalité : faits et chiffres », « Réfugiés : l’alibi politique ».

5 décembre.-

Serge July écrit dans un éditorial de Libération: « Les précautions prises par les pétitionnaires hostiles à la tolérance du foulard, celles des enseignants de Creil n’y auront rien fait: pour une fois, c’est à gauche qu’on tirait le signal d’alarme contre l’invasion de l’intégrisme. Au choeur de l’anti-islamisme hystérique viennent se joindre les solistes prestigieux d’un anti-islamisme de gauche ».

6 décembre.-

Au Conseil des ministres, présentation du plan Rocard sur l’immigration et l’intégration. Le Premier ministre s’en tient à de grandes orientations : maîtrise des flux migratoires et intégration des immigrés légalement installés en France. Les 48 directives retenues concernent l’école, le logement, la santé, l’emploi et la formation; elles seront détaillées le lendemain par Claude Evin devant le Conseil national des populations immigrées. Un secrétaire général permanent auprès du conseil interministériel sur l’intégration est nommé. Ce comité permanent, placé sous la direction de M. Hubert Prévot, se reunira deux fois par mois pour arrêter les premières mesures concrètes. Un Comité de neuf “sages” est crée.

8 décembre. –

Jacques Chirac, lors d’une intervention télévisée, annonce sa volonté de lancer une pétition nationale pour obtenir du président de la République un référendum sur le droit de vote des immigrés.

10 décembre.-

Bulgarie : A Sofia, 100.000 manifestants réclament l’accélération des réformes.

12 décembre.-

Charles Pasqua, président du groupe RPR à I’ Assemblée, dépose une motion pour demander la “discussion immédiate” de sa proposition de loi constitutionnelle réclamant l’instauration d’un référendum d’initiative populaire sur le droit de vote aux élections locales pour les immigrés. Les centristes, les radicaux et la gauche ont voté contre cette demande.

13 décembre.-

Poissy. Une élève de 4ème est toujours interdite de cours par la quasi-unanimité des enseignants bien qu’elle accepte maintenant de retirer son foulard dans les salles de classe. Les enseignants veulent lui interdire les cours tant qu’elle portera le foulard dans l’enceinte du collège. Un professeur a même demandé l’exclusion de la jeune fille. La soeur de celle-ci est au lycée professionnel de Poissy où son foulard ne pose aucun problème. Le 23 octobre, une dizaine de jeunes filles s’étaient solidarisées avec leur camarade en se présentant au collège couvertes d’un foulard.

14 décembre.-

Inculpation du maire de Montfermeil (voir le détail et les suites de cette affaire dans l’entretien que nous a accordé Michelle Gazal, pp. 13 à 18).17 décembre.- Le roi du Maroc, Hassann, invité de I’Heure de vérité sur Antenne 2, déclare: « La majorité des femmes marocaines ne portent pas le voile, et de plus en plus. Nous n’avons pas l’impression qu’en cela elles contreviennent aux commandements de l’islam, car les commandements concemant le port du voile sont définis dans le temps et dans l’espace. »

20 décembre. –

Publication de la circulaire de Lionel Jospin au Bulletin officiel de l’Education nationale. Esprit du texte : priorité au dialogue mais fermeté et sanctions possibles si les obligations de laïcité et d’assiduité sont enfreintes. Ce texte se présente comme un vrai guide de la laicite a destination des chefs d’etablissement et des enseignants; le ministre précise les limites du port des signes religieux et politiques à l’école (voir texte intégral pp. 110 à 113).

22 décembre.-

En Roumanie, le régime dictatorial de Ceausescu est renversé après six jours de manifestations et de rèpression violente.

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